Publié le 17 mai 2024

Loin d’être une simple addition de secteurs, l’économie de Montréal fonctionne comme un écosystème complexe où tout est lié. La vitalité de ses industries phares comme l’IA ou le jeu vidéo est aujourd’hui indissociable de la crise du logement, qui redessine la géographie du travail et met sous pression les services de proximité. Comprendre ces interdépendances est la clé pour décrypter les véritables défis et opportunités qui façonneront l’avenir de la métropole.

Vous le ressentez probablement au quotidien : Montréal change, et vite. Un jour, on célèbre l’ouverture d’un nouveau studio de jeu vidéo de calibre mondial ; le lendemain, on constate que notre café de quartier a dû réduire ses heures d’ouverture, faute de personnel. On entend parler de l’intelligence artificielle comme du nouvel eldorado, mais on lit aussi des manchettes inquiétantes sur la flambée des loyers et un centre-ville qui peine à retrouver son dynamisme d’antan. Ces signaux, en apparence contradictoires, peignent le portrait d’une économie à plusieurs vitesses, souvent difficile à saisir dans sa globalité.

L’erreur commune est d’analyser ces phénomènes de manière isolée. On se concentre sur la santé des piliers économiques traditionnels, sur les chiffres de la pénurie de main-d’œuvre ou sur le taux d’achalandage des rues commerçantes, comme s’il s’agissait de pièces de casse-tête indépendantes. Mais si la véritable clé de lecture se trouvait ailleurs ? Si le fil conducteur qui relie tous ces enjeux était plus structurel, touchant à la manière même dont on habite et travaille dans la ville ?

Cet article propose une perspective différente. Au lieu de simplement lister les forces et les faiblesses, nous allons explorer les relations de cause à effet qui se cachent derrière les grands titres. Nous verrons que l’économie montréalaise n’est pas qu’une affaire de technologies de pointe, mais un tissu interdépendant où la crise du logement influence directement le marché du travail, où la géographie de la ville se réinvente sous nos yeux, et où des modèles économiques alternatifs gagnent discrètement en puissance. L’objectif : vous donner les clés pour devenir un observateur plus averti et un acteur plus engagé dans le développement de votre ville.

Pour vous guider dans cette analyse, nous allons explorer en détail les dynamiques qui animent l’économie de la métropole. Cet article est structuré pour vous offrir une vision claire et nuancée des grands enjeux actuels.

IA, jeux vidéo, aérospatiale : les 3 piliers de l’économie de Montréal sont-ils en danger ?

L’image d’Épinal de l’économie montréalaise repose sur un triptyque puissant : l’intelligence artificielle, le jeu vidéo et l’aérospatiale. Ces secteurs, qui emploient des dizaines de milliers de personnes hautement qualifiées, ont bénéficié pendant des années d’un soutien gouvernemental massif, notamment via de généreux crédits d’impôt. Cependant, le vent tourne. Le gouvernement a récemment choisi de resserrer les vannes, signalant un changement de philosophie. Le budget 2024 prévoit par exemple de récupérer 365 millions de dollars annuellement en modifiant les aides fiscales accordées aux entreprises de TI et de jeux vidéo.

Cette décision n’est pas un hasard, mais le reflet d’une nouvelle stratégie politique. Comme l’explique Michel Leblanc, président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, la logique est de récompenser davantage la génération de profits et de revenus fiscaux plutôt que la simple création d’emplois. Il s’agit d’un pari sur la maturité de ces industries.

On opte pour une stratégie où l’on récompense la génération de bénéfices et de revenus fiscaux. C’est donc logique.

– Michel Leblanc, Président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, La Presse

Pourtant, cette approche inquiète les acteurs du milieu. Un mémoire de la Guilde du jeu vidéo du Québec affirmait en 2023 que chaque dollar public investi dans le secteur en rapportait 4,21 à l’État, soulignant la rentabilité de ce soutien. L’industrie, qui compte près de 14 500 travailleurs, craint que ce changement de cap ne fragilise un écosystème qui a mis des décennies à se construire. Le danger n’est pas une disparition de ces piliers, mais un ralentissement de leur croissance et une perte de compétitivité face à d’autres métropoles mondiales qui, elles, continuent de subventionner massivement leurs champions technologiques.

Pénurie de main-d’œuvre : pourquoi votre café préféré a réduit ses heures d’ouverture

Le concept de « pénurie de main-d’œuvre » est souvent perçu comme une statistique abstraite. Pourtant, ses effets sont très concrets : une boutique qui ferme plus tôt, un restaurant qui n’ouvre que cinq jours sur sept, des délais de service qui s’allongent. Derrière ces désagréments se cache une réalité économique complexe, où le marché du travail est directement percuté par un autre enjeu majeur à Montréal : la crise du logement.

Le lien est simple mais implacable. Pour qu’un travailleur accepte un poste dans le secteur des services, souvent moins bien rémunéré, il doit pouvoir se loger à une distance raisonnable de son lieu de travail. Or, avec un marché locatif hors de contrôle, cette équation devient impossible pour beaucoup. Selon des données récentes, il faut désormais gagner un salaire annuel de plus de 59 348 $ pour louer un appartement moyen de 4½ à Montréal. C’est un seuil inaccessible pour une grande partie des travailleurs des secteurs du commerce de détail et de la restauration, créant des « déserts de main-d’œuvre » dans certains quartiers.

Travailleur du secteur des services dans un quartier de Montréal face à la crise du logement

Face à cette situation, les entreprises ne restent pas inactives. Elles s’adaptent. Plutôt que de parler d’une simple pénurie, il faudrait parler d’une réorganisation du travail. Les données montrent d’ailleurs une tendance surprenante : le nombre de postes vacants a en réalité diminué dans plusieurs secteurs clés, non pas parce que les candidats affluent, mais parce que les entreprises ont restructuré leurs opérations pour fonctionner avec moins de personnel.

Ce tableau illustre comment des secteurs majeurs ont drastiquement réduit leur nombre de postes à pourvoir en un an, en optimisant leurs services et en ayant recours à la technologie.

Évolution des postes vacants par secteur (2023-2024)
Secteur Postes vacants 2023 Postes vacants 2024 Réduction
Commerce de détail 21 000 12 500 -40%
Hébergement et restauration 21 000 11 000 -48%

Cette adaptation, bien que nécessaire pour la survie des entreprises, a un coût pour le citoyen : une offre de services réduite et une vitalité commerciale potentiellement diminuée dans certains quartiers. Le problème de votre café n’est donc pas seulement un manque d’employés, mais le symptôme d’un écosystème urbain où le coût du logement exclut une partie de la force de travail.

À quoi servent vraiment les organisations internationales basées à Montréal ?

Montréal se targue d’être une grande capitale internationale, accueillant plus de 65 organisations internationales (OI) sur son territoire. Si leur présence est souvent mentionnée avec fierté, leur rôle concret dans l’économie locale reste parfois flou pour le citoyen. Au-delà du prestige, quel est leur véritable impact ? Leur fonction est bien plus stratégique qu’il n’y paraît, agissant comme des piliers silencieux de l’économie du savoir et des services qui domine la métropole. Le secteur tertiaire, qui inclut ces organisations, représente en effet 86,2% de l’emploi total dans la région de Montréal, un chiffre qui témoigne de leur importance structurelle.

Le premier rôle des OI est celui d’un aimant à talents et à expertises. Des organisations comme l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) ou l’Institut de statistique de l’UNESCO n’attirent pas seulement des centaines d’employés directs, souvent des expatriés à haut pouvoir d’achat. Elles créent aussi un écosystème de consultants, d’avocats, de traducteurs et d’experts locaux qui gravitent autour d’elles. Chaque conférence internationale organisée génère des retombées directes pour l’hôtellerie, la restauration et le secteur événementiel.

Deuxièmement, ces organisations ancrent Montréal comme un centre de décision mondial. Quand des normes sur l’aviation civile, l’environnement ou l’intelligence artificielle sont débattues et décidées ici, cela confère à la ville une influence qui dépasse largement son poids économique. Cette concentration de pouvoir attire les sièges sociaux nord-américains d’entreprises qui veulent être proches des centres de régulation. C’est un cercle vertueux : la présence des OI renforce l’attractivité de la ville, qui attire à son tour plus de talents et d’investissements.

Enfin, elles agissent comme un facteur de stabilité économique. Contrairement aux entreprises privées, les OI sont moins sujettes aux cycles économiques. Leurs budgets sont souvent pluriannuels et financés par des États membres, offrant une source d’emplois et de dépenses stable, même en période de récession. Elles contribuent ainsi à la résilience de l’économie montréalaise, la rendant moins dépendante des fluctuations d’un seul secteur industriel.

Le centre-ville de Montréal est-il en train de mourir ? La nouvelle géographie économique de la métropole

La question hante les conversations depuis la pandémie : avec la généralisation du télétravail, le centre-ville de Montréal est-il condamné à un lent déclin ? Les tours de bureaux à moitié vides et la baisse d’achalandage dans certains commerces dressent un portrait inquiétant. Pourtant, parler de « mort » du centre-ville serait une erreur d’analyse. Ce à quoi nous assistons n’est pas une disparition, mais une profonde reconfiguration de la géographie économique de la métropole.

Le centre-ville perd son monopole de lieu de travail unique pour devenir un pôle parmi d’autres au sein d’une ville plus polycentrique. Cette transformation est en partie alimentée par la même dynamique qui affecte la main-d’œuvre : la crise du logement. Le centre est devenu trop cher, non seulement pour les travailleurs des services, mais aussi pour les jeunes professionnels et les familles. Les données de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) sont éloquentes : le taux d’inoccupation pour les logements les plus abordables frôle le zéro, avec un taux de seulement 0,4% pour les logements du premier tercile de loyer. Cette pression immobilière pousse les talents et les entreprises vers d’autres quartiers.

Vue du Mile-End montrant la transformation économique des quartiers montréalais

Des quartiers comme le Mile-End, Griffintown, ou même des zones de l’Est de Montréal deviennent de nouveaux centres de gravité économiques. Ils offrent ce que le centre-ville peine à fournir : une mixité d’usages avec des logements, des bureaux (souvent dans des bâtiments industriels reconvertis), des commerces de proximité et des espaces culturels. Les entreprises, notamment dans les secteurs créatifs et technologiques, suivent ce mouvement. Elles s’installent là où vivent leurs employés, créant des écosystèmes locaux dynamiques qui combinent travail et qualité de vie.

Le défi pour Montréal n’est donc pas de « sauver » le centre-ville en tentant de revenir au modèle d’avant, mais d’accompagner cette transition. Cela implique de repenser l’offre du centre-ville pour y attirer non plus seulement des travailleurs, mais aussi des résidents, des touristes et des amateurs d’expériences culturelles et événementielles uniques. L’avenir économique de Montréal ne se jouera pas dans un seul cœur, mais dans un réseau de pôles interconnectés.

L’autre économie : comment les entreprises d’économie sociale changent le visage de Montréal

Quand on pense à l’économie, on imagine souvent des entreprises traditionnelles dont le seul but est de maximiser les profits. Pourtant, à Montréal, un autre modèle économique prospère et joue un rôle de plus en plus crucial : l’économie sociale. Composée de coopératives, d’organismes à but non lucratif (OBNL) et de mutuelles, cette « autre économie » n’est pas un secteur de niche. C’est un véritable moteur de développement local et de résilience, qui priorise l’impact social et environnemental tout en étant économiquement viable.

L’une des forces de ce modèle est sa capacité à créer des chaînes de valeur profondément ancrées dans le territoire. Les entreprises d’économie sociale ont tendance à s’approvisionner localement, à embaucher dans leur communauté et à réinvestir leurs surplus pour accomplir leur mission sociale. Elles créent de la richesse qui reste et circule dans le quartier, renforçant le tissu social et économique. C’est un contrepoids essentiel à la mondialisation, qui peut parfois déconnecter les entreprises de leur milieu.

Étude de cas : L’impact économique étendu du Cirque du Soleil

Le Cirque du Soleil, bien qu’étant une entreprise mondiale, illustre parfaitement cet effet d’entraînement local. Au-delà de ses 1 600 employés directs basés à Montréal, l’organisation agit comme un pivot pour un vaste réseau économique. Elle collabore avec près de 2 300 fournisseurs québécois, créant une demande stable pour des centaines de PME spécialisées dans des domaines aussi variés que le design de costumes, la traduction, la restauration, les services technologiques et la fabrication d’équipements spécialisés. Cet écosystème démontre comment une grande entreprise à mission peut devenir un pilier pour une myriade d’acteurs économiques locaux.

De plus, l’économie sociale est souvent à l’avant-garde de l’innovation sociale. C’est elle qui développe des solutions pour l’intégration en emploi, l’agriculture urbaine, le logement abordable ou l’économie circulaire. En répondant à des besoins que le marché traditionnel ignore parfois, ces entreprises ne font pas que « réparer » les failles du système ; elles inventent de nouvelles manières de produire, de consommer et de vivre ensemble. Elles constituent un laboratoire grandeur nature pour l’économie de demain, plus inclusive et durable.

Incubateur ou accélérateur : quelle est la meilleure structure pour votre start-up à Montréal ?

L’écosystème entrepreneurial de Montréal est l’un des plus dynamiques en Amérique du Nord. Pour une jeune pousse qui cherche à se lancer ou à croître, la ville offre un large éventail de structures de soutien. Parmi les plus connues, les incubateurs et les accélérateurs sont souvent confondus, alors qu’ils répondent à des besoins très différents et interviennent à des étapes distinctes du cycle de vie d’une entreprise. Comprendre leur rôle est essentiel pour tout entrepreneur qui veut mettre toutes les chances de son côté.

Un incubateur, comme son nom l’indique, est là pour « couver » un projet. Il s’adresse aux entrepreneurs qui sont au stade de l’idée ou du tout début de leur projet. Son objectif est de transformer un concept brut en un modèle d’affaires viable. L’accompagnement est généralement plus long (de plusieurs mois à plusieurs années) et se concentre sur les fondamentaux : validation du marché, développement du produit minimum viable (MVP), structuration juridique et financière. Des structures comme le Centech (affilié à l’ÉTS) sont des exemples parfaits d’incubateurs qui aident à faire naître des entreprises technologiques à partir de la recherche.

Un accélérateur, quant à lui, appuie sur l’accélérateur. Il s’adresse à des start-ups qui ont déjà un produit, une équipe en place et des premiers clients. Le but n’est plus de valider l’idée, mais de la faire grandir rapidement (to scale up). Les programmes d’accélération sont courts et intenses (typiquement 3 à 6 mois) et se concentrent sur la croissance : acquisition de clients, stratégie de mise en marché, préparation à la levée de fonds. En échange d’un accompagnement intensif et d’un accès à un réseau de mentors et d’investisseurs, l’accélérateur prend souvent une petite participation (equity) dans l’entreprise. Des noms comme FounderFuel ou Next AI sont des acteurs clés de l’accélération à Montréal.

Le choix entre les deux dépend donc entièrement de la maturité de votre projet. Tenter d’intégrer un accélérateur avec une simple idée est une perte de temps, tout comme rester dans un incubateur quand votre entreprise a besoin de passer à la vitesse supérieure. La richesse de l’écosystème montréalais permet de trouver la bonne structure au bon moment, à condition de bien diagnostiquer ses propres besoins.

À retenir

  • Les piliers économiques de Montréal (IA, jeux vidéo) sont robustes mais leur croissance future dépendra des nouvelles politiques de soutien gouvernemental, moins généreuses qu’auparavant.
  • La crise du logement n’est pas un problème social isolé ; c’est un frein économique majeur qui alimente la pénurie de main-d’œuvre dans les services et redessine la géographie du travail.
  • L’économie de Montréal devient de plus en plus polycentrique : le centre-ville se transforme tandis que d’autres quartiers comme le Mile-End émergent comme de nouveaux pôles d’attraction pour les talents et les entreprises.

L’effet multiplicateur : comment 100$ dépensés localement enrichissent votre quartier

L’appel à « acheter local » est souvent présenté comme un geste citoyen, une façon de soutenir les commerçants de son quartier. Si l’intention est louable, elle masque une mécanique économique puissante et bien réelle : l’effet multiplicateur. Ce concept explique comment une seule dépense locale peut générer une activité économique bien supérieure à son montant initial, créant un cercle vertueux de prospérité au sein d’une communauté.

Imaginez que vous dépensez 100 $ dans une librairie indépendante de votre quartier. Le libraire utilisera une partie de cet argent pour payer son loyer (souvent à un propriétaire local), une autre pour payer son employé (qui habite peut-être le quartier), et une autre pour acheter du café chez le torréfacteur d’à côté. À leur tour, le propriétaire, l’employé et le torréfacteur dépenseront une partie de cet argent dans d’autres commerces locaux. Ainsi, votre 100 $ initial se propage, circule et est dépensé plusieurs fois au sein du même écosystème, multipliant son impact économique.

Illustration macro montrant l'effet multiplicateur de l'économie locale

À l’inverse, lorsque l’argent « fuit » l’économie locale, cet effet est brisé. Une dépense sur une grande plateforme en ligne ou dans une chaîne dont le siège social est à l’étranger envoie la majorité de cet argent hors du quartier, voire hors du pays. Mais il existe une fuite encore plus insidieuse à Montréal : la flambée des loyers. L’argent consacré à un loyer exorbitant, souvent payé à de grands conglomérats immobiliers, est de l’argent qui n’est plus disponible pour la consommation locale. La pression immobilière agit comme un siphon qui aspire la richesse potentielle des quartiers.

L’écart de coût est frappant : selon l’Observatoire Grand Montréal, entre 2021 et 2024, le loyer moyen des logements qui sont restés occupés a augmenté de 2,8%, tandis que celui des logements qui se sont libérés sur le marché a bondi de 46% en moyenne. Chaque dollar supplémentaire alloué au logement est un dollar de moins pour la boulangerie, le restaurant ou le fleuriste du coin, affaiblissant directement l’effet multiplicateur et la vitalité de nos rues commerçantes.

Le guide de l’entrepreneur à Montréal : les nouvelles règles du jeu pour réussir

Réussir en affaires à Montréal en 2024 ne répond plus aux mêmes règles qu’il y a dix ans. Le paysage a changé, et les entrepreneurs qui prospèrent sont ceux qui ont su décrypter et s’adapter à ce nouvel écosystème. Naviguer la pénurie de main-d’œuvre, comprendre la nouvelle géographie de la ville et s’insérer dans des réseaux collaboratifs sont devenus des compétences aussi importantes que d’avoir un bon produit.

La première nouvelle règle est l’adaptation radicale face au marché du travail. Les entrepreneurs ne peuvent plus simplement attendre que les candidats se présentent. La réussite passe par une refonte des modèles d’affaires, comme l’ont fait de nombreux commerces post-pandémie. Ils ont adopté des horaires réduits, optimisé leurs opérations pour fonctionner avec moins de personnel, investi dans des technologies comme les caisses libre-service et renforcé leur présence en ligne. La flexibilité et l’innovation dans la gestion des ressources humaines sont désormais des facteurs de survie.

La deuxième règle est de penser en termes de « géographie des talents ». Le choix de l’emplacement d’une entreprise ne peut plus se baser uniquement sur le prestige d’une adresse au centre-ville. Les entrepreneurs avisés regardent où vivent les talents qu’ils veulent attirer et s’installent à proximité, dans des pôles émergents qui offrent une meilleure qualité de vie. Cela signifie aussi adopter des politiques de travail hybride qui reconnaissent cette nouvelle réalité spatiale.

Enfin, la troisième règle est de jouer collectif. L’économie montréalaise est de plus en plus structurée en « grappes industrielles » où les entreprises, les centres de recherche et les institutions collaborent. Un entrepreneur isolé a peu de chances de réussir. S’intégrer dans ces réseaux (que ce soit dans l’IA, les sciences de la vie ou la production culturelle) donne accès à des ressources, des expertises et des opportunités d’affaires. Des organismes comme PME MTL, qui financent et accompagnent les entrepreneurs, sont des portes d’entrée essentielles vers cet écosystème.

Plan d’action : valider votre projet d’entreprise à Montréal

  1. Points de contact avec le marché : Identifiez non seulement vos clients cibles, mais aussi les talents dont vous aurez besoin. Où vivent-ils ? Quels sont leurs besoins en matière de transport et de logement ?
  2. Collecte des ressources : Inventoriez les structures de soutien pertinentes pour votre stade de développement (ex: incubateurs comme le Centech, accélérateurs comme FounderFuel, financement via PME MTL).
  3. Cohérence avec l’écosystème : Confrontez votre projet aux grandes grappes industrielles de Montréal. Votre entreprise peut-elle s’intégrer à la chaîne de valeur de l’IA (Scale AI), de l’aérospatiale ou des sciences de la vie ?
  4. Mémorabilité et mission : Au-delà du profit, quelle est votre proposition de valeur sociale ou environnementale ? Un projet à impact positif aura plus de facilité à attirer talents et soutiens dans l’écosystème montréalais.
  5. Plan d’intégration : Établissez une feuille de route claire pour vous connecter aux réseaux pertinents. Participez aux événements de votre secteur, contactez les chambres de commerce et les associations professionnelles.

Pour tout aspirant entrepreneur, maîtriser ces nouvelles règles est un prérequis. Il est crucial de revoir les stratégies d'adaptation qui définissent aujourd'hui le succès.

Comprendre l’économie de sa ville, c’est se donner le pouvoir d’agir. En saisissant les liens entre votre loyer, la vitalité de votre rue commerçante et l’avenir des grandes industries, vous devenez plus qu’un simple résident : un citoyen économique éclairé. Pour aller plus loin et appliquer ces connaissances à votre propre projet ou à votre engagement communautaire, l’étape suivante consiste à évaluer les ressources et les réseaux spécifiques à votre secteur.

Rédigé par Amélie Roy, Amélie Roy est une journaliste économique spécialisée dans l'écosystème des start-ups technologiques montréalaises depuis plus de 7 ans. Elle est reconnue pour ses analyses pointues sur les tendances économiques et sa capacité à vulgariser des sujets d'affaires complexes.